Ondes de choc et crise de confiance sur les marchés financiers

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Alors que d'aucuns annonçaient de longue date une récession qui n'a toujours pas montré le bout de son nez, le problème n'est pas venu de là où on l'attendait. Le système bancaire américain a été saisi de secousses que personne n'avait vu venir. Une vague de retraits bancaires a provoqué la défaillance de trois banques américaines, provoquant dans la foulée une onde de choc sur tout le secteur financier international et une crise de confiance sur la banque helvétique Credit Suisse.

Acte 1 - Tout a commencé avec l'annonce de la mise en liquidation de Silvergate Bank, leader dans les prêts aux utilisateurs de cryptomonnaies.

Le même jour, Silicon Valley Bank avoue faire face à de grosses difficultés financières, victime d'un double effet ciseau. Pour faire face à la raréfaction de financements alternatifs, sa clientèle essentiellement composée de fonds de capital-investissement, a puisé dans ses dépôts bancaires. Cela a forcé la banque à vendre une grosse partie de son portefeuille d'obligations du Trésor américain. Résultat ? Une lourde perte de valeur pour cause de hausse des taux d'intérêt. Il n'en fallait pas plus pour alerter investisseurs et clients, qui se sont rués sur leurs avoirs. La banque californienne n'est plus parvenue à faire face à ces retraits massifs et ses ultimes tentatives de lever de l'argent frais n'ont pas abouti.​

Acte 2 - Les autorités américaines ont réagi, en prenant officiellement possession de la banque et ont annoncé s'engager à garantir l'intégralité des dépôts de la banque californienne pour éviter un « bank run » et une contagion au système financier. Au passage, les autorités américaines ont révélé que Signature Bank a été fermée. Ses clients bénéficieront du même dispositif que ceux de Silicon Valley Bank.

Ces soudaines déroutes ont créé un vent de panique et ravivé les craintes sur la solidité de l'ensemble du secteur bancaire, notamment avec la rapide montée des taux d'intérêt qui fait baisser la valeur des obligations dans leurs portefeuilles, et augmente le taux d'intérêt auquel elles empruntent elles-mêmes.

Acte 3 – Après un répit de très courte durée, les marchés ont focalisé leurs craintes sur Credit Suisse, un des maillons faibles du secteur financier.

Les inquiétudes à son égard ne sont pas neuves et résultent d'une accumulation de déboires : scandales, perte historique pour l'exercice écoulé, sorties de fonds massives fin de l'année passée, ou encore le report de la publication de son rapport annuel 2022 suite à une enquête de l'autorité des marchés financiers américaine sur les états financiers de la banque. Alors que le titre était déjà malmené en Bourse, son principal actionnaire, Saudi National Bank, a encore jeté de l'huile sur le feu en excluant tout nouveau soutien financier.

Acte 4 – En pleine déconfiture boursière, Credit Suisse, une des 30 banques mondiales considérées comme systémiques (à savoir de taille importante pour le système financier international), a été classée «too big to fail» par le régulateur suisse.

La Banque nationale suisse est venue à son secours, en lui prêtant 50 milliards de francs suisses. Cette injection monétaire rapide n'a calmé que temporairement la crainte des investisseurs.

Acte 5 – Par la suite, First Republic Bank, une autre banque régionale américaine en pleine débâcle boursière, a fait l'objet d'un sauvetage de la part de grandes institutions financières. Ces dernières ont décidé d'injecter 30 milliards de dollars dans ses caisses afin de la stabiliser. Ce nouveau soulagement sur les marchés financiers a pourtant été rapidement balayé par la nervosité ambiante.

Acte 6 – Dans le cadre d'un accord orchestré par les autorités suisses pour protéger le système bancaire du pays (et tenter d'empêcher une crise plus profonde), l'autre mastodonte bancaire helvétique UBS, a accepté d'acheter Credit Suisse pour 3 milliards de francs suisses.

Pour sa part, la Banque nationale suisse a offert une ligne de liquidité de 100 milliards de francs suisses, adossée à une garantie fédérale de défaut à UBS. Le gouvernement a également offert une garantie de perte pouvant aller jusqu'à 9 milliards de francs suisses, sous certaines conditions. Détail non anodin : le régulateur suisse a exigé qu'un stock d'obligations subordonnées de Credit Suisse, un type de dette bancaire conçue pour subir des pertes pendant une crise, soit réduit à zéro dans le cadre de l'accord de sauvetage avec UBS. Pas sûr que cette décision ramène rapidement le calme, car il s'agit de la plus importante dépréciation de dette subordonnée à ce jour.​

Quelles sont les implications de cette crise de liquidité sur le plan économique, sur la politique monétaire et sur les marchés financiers ? 

La résilience de l'économie devrait pouvoir se maintenir

Les tensions de ces derniers jours sont de nature à rendre les banques plus prudentes dans leurs prêts et désireuses de réduire leurs engagements risqués. Cel​a étant, compte tenu de la hausse des taux d'intérêt déjà engrangée et des tensions inflationnistes, la demande de crédits a déjà bien diminué. À moins d'une forte aggravation, l'impact potentiel pourrait donc être assez limité. D'autant plus que des deux côtés de l'Atlantique, les économies se sont révélées être étonnamment résistantes au cours des derniers mois.

À bien des égards, les fondamentaux économiques restent favorables, comme en atteste un relèvement des prévisions de croissance pour 2023. Des bilans sains pour les ménages et les entreprises, des gains importants d'emplois, des prix énergétiques nettement moins inquiétants et un soutien budgétaire offrent une protection contre le choc d'une inflation encore élevée mais en diminution. À plus long terme, ils peuvent servir de tremplins pour la reprise une fois que l'inflation aura diminué suffisamment, et que les taux d'intérêt commenceront à se stabiliser.

L'inflation se montre tenace mais devrait encore refluer

L'évolution de l'inflation dans les pays développés reste en première ligne des préoccupations. Aux États-Unis, après le recul marqué en fin d'année dernière, la baisse de l'inflation a ralenti sa décrue à 6,0 % en février. La mesure préférée de la fed, le « CorePCE »​ a même légèrement réaccéléré à 4,7 % en janvier. cependant, plusieurs moteurs d'inflation se sont refroidis, comme l'énergie et le secteur des biens.
Du côté des services, la désinflation n'est pas encore visible, mais le marché de l'emploi est en train de se rééquilibrer tandis que la stabilisation du marché immobilier devrait porter ses fruits dans le ​temps.

Même constat en zone euro, où les prix peinent à reculer dernièrement. La progression sur les 12 derniers mois reste élevée (+8,5 %) et ce, alors que la tendance de l'indice hors énergie et alimentation est toujours haussière. Si, en glissement annuel, l'évolution ne convainc pas, on note néanmoins une modération par rapport à la deuxième moitié de 2022.

Ces déceptions sur le front de l'inflation viennent rappeler à tous que la route vers la normalité est encore longue et sinueuse. Pour autant, la dynamique baissière n'est pas remise en cause à ce stade. Cependant, elle prendra sans doute plus de temps avec une incertitude sur le degré de convergence des sacro-saints 2 %. En outre, les turbulences du secteur bancaire pourraient aussi aider à contenir l'inflation. Comme quoi, à toute chose, malheur est bon.

​Des taux d'intérêt désormais plus proches de leur pic

Sans tergiverser, la BCE a relevé ses taux d'intérêt à 3 %, comme elle s'y était engagée. Elle donne ainsi la priorité à la lutte contre l'inflation, malgré les inquiétudes autour de la stabilité du système bancaire.

Elle a fait remarquer qu'il n'y avait pas de compromis entre ces deux missions, et que le secteur bancaire dans son ensemble était dans une position beaucoup plus forte qu'au moment de la crise financière de 2008.

Cependant, malgré ce message fort, aucun engagement n'a été pris sur d'éventuelles autres hausses de taux d'intérêt dans un contexte d'incertitude élevée. Cela laisse la porte ouverte à différentes options comme une trajectoire vers le haut moins forte et plus courte, dans la mesure où les banques commerciales sont susceptibles de se montrer plus restrictives vis-à-vis de leurs clients qu'elles ne le sont déjà. Après beaucoup de volatilité et de versatilité, le niveau final attendu du taux directeur de la BCE pourrait s'établir entre 3,25 % et 3,75 % d'ici l'été.

Pour lutter contre l'inflation, la Fed a remonté, à marche forcée, son principal taux directeur depuis un an. Avec un effet toutefois limité jusqu'à présent. Alors que tout indiquait récemment une réaccélération du resserrement monétaire de 50 points de base, le marché a revu à la baisse sa prévision à tout au plus 25 points de base, représentant un compromis entre la poursuite de la lutte contre l'inflation et la stabilisation du système bancaire. Au-delà de cela, la Fed ne pourra relever encore ses taux que si les marchés financiers et le système bancaire montrent des signes de stabilisation durables. Resserrer jusqu'à ce que ça casse ! Ce ne sont finalement ni les chiffres de l'inflation, ni ceux de l'emploi, qui pourraient avoir le plus fort impact sur la politique de la Fed, mais ces faillites bancaires. Le relèvement attendu à 5,0 % en mars pourrait donc être le dernier de ce cycle, selon les dernières attentes du marché.

Les obligations retrouvent leurs lettres de noblesse

On l'avait presque oublié. Le caractère de « valeur sûre » des obligations d'État avait été sévèrement écorné par la remontée fulgurante des taux d'intérêt l'an dernier, provoquant de lourdes pertes historiques pour les indices obligataires. Bien qu'en offrant des taux d'intérêt plus confortables depuis le début de l'année, la volatilité sévissait encore dans les obligations. Mais voilà, les violentes secousses inattendues du secteur bancaire ont rappelé aux investisseurs que les placements monétaires et obligataires en béton jouent un rôle d'amortisseur lorsque les actions chutent lourdement. Même les obligations d'entreprises de qualité, fortement plébiscitées pour leur rendement-risque attrayant, ont bien résisté, et offrent toujours environ 4 % de taux d'intérêt en zone euro. C'est toujours bon à savoir et à prendre.

Les actions plient mais ne rompent pas

Les turbulences du secteur bancaire ont fort logiquement provoqué une réappréciation du risque de la part des investisseurs. Les baisses de cours subies par les valeurs financières pourraient persister, tant que la hausse des taux d'intérêt sera à l'agenda des banques centrales. Cela marquerait un revirement par rapport à la perception générale que les hausses de taux d'intérêt sont une bonne chose pour les banques. La contagion aux autres secteurs boursiers a été relativement limitée, ce qui est salutaire. Certains titres du secteur technologique ont même vu leur cours progresser durant cette période. D'un point de vue régional, les États-Unis ont mieux résisté que l'Europe comme on l'observe souvent en période de stress. Cet épisode de forte volatilité incite à rester vigilant mais ne remet pas fondamentalement en cause notre vision constructive à terme sur les actions.

Plus que jamais garder son sang-froid et privilégier une large diversification

Les tensions de ces derniers jours sur les marchés financiers, et singulièrement sur les titres bancaires, ne devraient pas être les prémices d'une nouvelle crise financière. Les problèmes rencontrés ne concernent pas des crédits douteux mais une mauvaise gestion des risques bilantaires (Silicon Valley Bank) ou une accumulation de déboires (Credit Suisse).

Depuis 2008, les régulateurs et les banques centrales ont appris leurs leçons et disposent d'un important arsenal d'instruments pour répondre rapidement et de manière proactive aux problèmes. Quant aux banques commerciales, elles ont été contraintes de renforcer leurs fonds propres. Que la prise de décisions en matière de taux d'intérêt au milieu d'une telle volatilité soit une aide ou un obstacle pour une banque centrale est probablement quelque chose qui ne peut être jugé qu'avec du recul. En effet, le décalage dans la transmission des politiques monétaires est non seulement long, mais il est également variable :  il est en effet difficile d'anticiper les accidents qui peuvent se produire tout au long du processus de resserrement des taux directeurs. Dès lors, disposer d'une large diversification de ses avoirs dans les classes d'actifs sûrs et à risque est nécessaire pour protéger son rendement dans l'environnement actuel.

Impact dans le portefeuille d'investissement

En branche 21, AG n'as pas de dépôt - action ou obligation - auprès de l'une des trois banques régionales américaines ayant fait aveu de faillite (Silvergate, Silicon Valley Bank et Signature Bank), ni auprès de First Republic Bank ou de Credit Suisse.  

En branche 23, l'exposition est très limitée grâce à notre stratégie de diversification. Notre approche multi manager et multi gestion qui consiste à bénéficier de l'expertise et de la vision de plusieurs gestionnaires de fonds démontre une fois de plus sa plus-value.

Suivi de la situation

Il va sans dire que le comité d'investissement d'AG, et ses équipes spécialisées dans les investissements et les risques d'AG surveillent en permanence les développements autour du secteur bancaire et leurs impacts sur les marchés financiers et à prendre les mesures appropriées pour protéger les portefeuilles d'investissement.​

À propos de l'auteur

Olivier Colsoul

Senior Strategist
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Depuis 25 ans, Olivier Colsoul endosse diverses fonctions liées à l’investissement : analyste en actions, gestionnaire de portefeuilles, analyste de fonds de tiers et économiste au sein de différentes institutions financières de renom. Depuis 2020, Olivier est Senior Strategist chez AG. Il élabore la stratégie globale d’investissement à court et long terme d’AG, à travers l’analyse des développements macro-économiques et l’évolution des marchés financiers.

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