COP28 : en deçà des espoirs, au-delà des attentes

Partager
Partager cette page
WhatsApp
Email
Copier le lien
La question des combustibles fossiles était enfin à l’agenda de la COP28. Cependant, le succès du sommet restera dicté par les actions concrètes des pays individuels.

En décembre dernier, plus de 100.000 représentants de gouvernements, d'entreprises, d'ONG, d'experts et d'autres organisations ont rejoint Dubaï pour assister à la COP281, la grand-messe du climat. 

Celui s’est tenu dans un contexte géopolitique tendu, sous la présidence de Sultan Al Jaber, à la tête de l'entreprise pétrolière d'État d'Abu Dhabi. Autant dire que les probabilités de conclure un accord entre près de 200 pays semblaient minces, et d'aucuns faisaient preuve, avant même le coup d'envoi de l'événement, de sérieux doutes. Il aura fallu attendre la toute fin de la conférence pour assister à la signature d'un accord sur une transition vers l'abandon des combustibles fossiles. Certes, cet événement est historique. Cependant, on espérait beaucoup mieux.

​​​​​​De Rio à Paris en passant par Kyoto : objectif 1,5°C

La première conférence internationale sur le climat remonte à 1979, sept ans après la publication du rapport, alors controversé, du Club de Rome2 qui, à l'époque, avait déjà mis le doigt là où ça faisait mal. Il aura fallu attendre 1992 pour que 165 pays signent la CCNUCC3 à Rio de Janeiro. En 1995, les pays participants ont reconnu la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le Protocole de Kyoto. 

Les gaz à effet de serre présents dans l'atmosphère retiennent la chaleur du soleil, ce qui augmente la température moyenne de la Terre. L'accord de Paris (COP21) a, quant à lui, concrétisé des ambitions contraignantes : maintenir la hausse de la température en-dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels (1850-1900), et limiter l'augmentation à 1,5°C. Pour ce faire, les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de moitié d'ici 2030, avant de totalement disparaître. 

Au terme de la Cop 21, un fonds pour le climat destiné aux pays vulnérables sera mis sur pied. Incroyable mais vrai, cette initiative ne fera aucune allusion aux combustibles fossiles, pourtant responsables de 75% des émissions de gaz à effet de serre.

The road to Dubai : la prise de conscience

Paris marque également le début des « Contributions déterminées au niveau national » ou NDC4. Ces NDC permettent aux pays de rendre compte de leurs initiatives, tous les cinq ans depuis 2020, dans le cadre de leur stratégie climatique. Cette stratégie doit être régulièrement mise à jour en fonction d'objectifs toujours plus ambitieux. La réalité nous a tristement rappelé, en cette année 2023, qu'il est grand temps de revoir nos ambitions à la hausse. 

« Comme les années précédentes, 2023 sera l'année la plus chaude jamais enregistrée à l'échelle mondiale, avec des phénomènes météorologiques extrêmes tels que des feux de forêt, des inondations, des canicules et une température moyenne supérieure de 1,3 °C à la moyenne de l'ère préindustrielle. » 

La conclusion du communiqué de presse de l'OMM5, l'Organisation météorologique mondiale, n’y va pas par quatre chemins : « les conditions météorologiques extrêmes sèment la mort et la destruction ». Lors de l’ouverture de la COP28, l'appel du patron de l'ONU, M. Guterres, était un préambule clair aux négociations : « Le monde se dirige vers une augmentation de la température de 2,9°C par rapport aux niveaux préindustriels, malgré les engagements nationaux pris à Paris par les pays participants ».6 

Les possibilités de limiter le réchauffement à 1,5°C sont donc restreintes. Toutefois, l'augmentation de 1.740 milliards de dollars des investissements dans les énergies propres en 2023 est impressionnante, selon l'AIE7. Sur base de l'objectif « net zéro » de Paris, l'AIE conclu que la consommation de combustibles fossiles atteindra un pic avant la fin de la décennie, et que les investissements tomberont à maximum 10 % des investissements dans les énergies renouvelables.

Les progrès technologiques rapides rendent les énergies renouvelables plus compétitives que les alternatives polluantes. Pourtant, les investissements et les subventions dans les combustibles fossiles restent très élevés, comme le démontre le FMI8. L'AIE confirme que les émissions de gaz à effet de serre ont encore augmenté en 2022 pour atteindre 57,4 gigatonnes d'équivalent CO29.

Selon les Nations Unies, il serait encore possible d'atteindre 1,5°C si nous réduisons les émissions de CO2 de 43 %10 d'ici 2030. Même si nous n'atteignons pas 1,5°C, toute mesure d'atténuation en vaut la peine. Si nous nous dirigeons vers les 2,9 °C, comme le prévoit l’ONU, chaque hausse supplémentaire de la température se traduira par une augmentation des catastrophes naturelles dans le monde entier, non seulement en nombre, mais aussi en ampleur.

COP28 à Dubaï : Première mention historique des combustibles fossiles

Dès son ouverture, beaucoup craignaient d’être déçus par le verdict de la COP28. Jamais auparavant autant de lobbyistes du secteur fossile ne s'y étaient inscrits, et le conflit d'intérêts entre les objectifs commerciaux du président et les grandes lignes d'une politique climatique efficace en préoccupait plus d’un. Il est vrai que depuis 30 ans, personne n'ose évoquer les ​combustibles fossiles. Seul le texte final de la COP26 (Glasgow), en 2021, mentionnera le charbon.  

La COP28 déclare pour la première fois que nous devons abandonner les combustibles fossiles, y compris le pétrole et le gaz. Cela constitue donc une avancée historique majeure. « Le début de la fin de l'ère des combustibles fossiles », mentionne le communiqué de presse relatif à l'accord. Il maintient l'objectif scientifique de 1,5°C, qui exige une réduction des gaz à effet de serre de 43 % d'ici 2030 (par rapport à 2019). 

Pour y parvenir, la capacité en énergies renouvelables doit être triplée d'ici là, et des efforts supplémentaires doivent être consentis en matière d'efficacité énergétique. Le développement de technologies dont l'activité ne produit que peu ou pas d'émissions, telles que les applications nucléaires et à hydrogène, ainsi que les procédés permettant le stockage du CO2, constitue un objectif clair de l'accord. La mobilisation du fonds de sinistres11 pour les pays les plus vulnérables est également citée dans le texte final. 

En l'absence d'un régulateur mondial rendant ces mesures contraignantes, le succès de ce sommet sera principalement dicté par les actions concrètes des pays individuels. Rappelons que 2024 est également une année électorale (notamment aux États-Unis) : des changements diplomatiques pourraient affecter la mise en œuvre de cet accord.  

Le choix des termes de l'accord, qui ne parle pas d'une « élimination progressive » mais plutôt d'une « transition vers l'abandon » des combustibles fossiles, laisse une certaine marge d'appréciation tant au niveau de l'application que des délais. D'autres objectifs sont toutefois clairs. Par exemple, les émissions de méthane, un gaz à effet de serre dont le potentiel de réchauffement planétaire est plus de 25 fois supérieur à celui du CO2, doivent être réduites à zéro d'ici à 2030.

La stratégie climatique d'AG

AG soutient pleinement la transition vers une économie à faible émission de carbone et contribue à la transition énergétique. Le financement des activités liées au charbon et au pétrole et gaz non conventionnels est exclu de tous ses portefeuilles, de même que le financement des plans d'expansion dans le domaine des énergies fossiles. 

En rejoignant la NZAOA12 en 2022, AG soutient l'objectif de 1,5°C de Paris pour ses portefeuilles d'actions et d'obligations. Dans son portefeuille d'infrastructures, AG investit dans les énergies renouvelables et améliore l'efficacité énergétique de son portefeuille immobilier. 

En 2023, AG a adhéré à « Nature Action 100 » pour lutter contre le déclin de la biodiversité. Elle a réalisé plus tôt que prévu son engagement d'investir 10 milliards d'euros dans des activités favorisant la transition durable, dont 1 milliard d'euros dans les énergies renouvelables. Cette étape a été atteinte l'année dernière, et n'est en aucun cas un point final à son ambition d'aller de l'avant dans une transition énergétique absolument indispensable.


À propos de l'auteur

Jan Bronselaer

Climate Strategist
Follow me on :

Jan Bronselaer a plus de 20 ans d'expérience dans la gestion d'actifs financiers. Il a notamment occupé les fonctions de Bond Portfolio Manager chez AG, Senior Fund Analyst chez Delta Lloyd Bank et Chief Economist & Strategist chez Nagelmackers. En 2016, Jan rejoint AG en tant que Head of Market Development Unit Linked. Il devient Senior Bond Portfolio Manager Unit Linked en 2018, et est responsable de la sélection de nouveaux fonds d'obligations. En parallèle, Jan est impliqué dans l’analyse quotidienne des performances des marchés obligataires. Depuis septembre 2023, il occupe la fonction de Climate Strategist et joue un rôle important dans la mise en place des stratégies d’investissements ayant un objectif durable?

En savoir plus