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Perspectives 2023 : l’année de la désinflation !

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Alors que le coronavirus a en quelque sorte disparu de la circulation en 2022, un autre fléau s’est abattu sur l’économie et les marchés financiers : l’inflation. C'est-à-dire la hausse des prix qui, depuis l'été 2021, a brusquement augmenté, d’abord aux États-Unis puis en Europe et ailleurs dans le monde. Olivier Colsoul, Senior Strategist chez AG, joue le jeu des prévisions pour l’année à venir.

 

2020 aura été l'année du coronavirus. 2021 l’année du vaccin. 2022 est celle de la fin du COVID-19, d’un retour fulgurant de l’inflation et du début du conflit en Ukraine. Comment analysez-vous ces derniers mois agités dans le monde sur le plan économique ? 


Tout d’abord, j’aimerais dire qu’au sortir de la pandémie de coronavirus, l’économie - au-delà des espérances – et les marchés financiers, à une vitesse grand V, se sont vite redressés. Une des caractéristiques majeures de cette période inédite a été la capacité de résilience des ménages et des entreprises, grâce notamment à des dépenses budgétaires de soutien financier couplées aux progrès de la science, de la technologie et à l’efficacité des campagnes de vaccination. J’ai donc une vision plutôt optimiste pour l’avenir tout en faisant preuve de réalisme.

Malheureusement, l’embellie, qui avait commencé en 2021, a trébuché en 2022 sous l’effet d’une inflation galopante, accentuée par la guerre surprise en Ukraine et son impact sur les prix de l’énergie. Si le contexte est devenu plus compliqué et reste entouré de nombreuses incertitudes, le pire n’est pas forcément à venir. Tout comme lors de la crise sanitaire, les gouvernements européens ont pris des mesures pour assurer l’approvisionnement énergétique durant l’hiver et alléger la facture énergétique des ménages et des entreprises, parfois en bloquant partiellement les prix du gaz et de l’électricité. En parallèle des efforts ont été faits pour réduire la consommation énergétique. Encore une fois, l’adaptabilité des agents économiques face à des facteurs déstabilisateurs a été observée dans les faits, même si on aurait pu faire mieux.

 

Seule ombre au tableau, et de taille, une inflation très forte qui semble s’installer…
 

C’est vrai, l’inflation a été une mauvaise surprise tout au long de l’année écoulée et a dépassé la barre des 10 % en Europe. On n’avait plus vu pareil niveau depuis 40 ans. Chose inhabituelle aussi, la hausse des prix a même été plus forte sur le Vieux Continent qu’outre-Atlantique. Les principales causes sont de nature conjoncturelle et résultent d’un déséquilibre entre l’offre – restreinte - et la demande - soutenue. Citons la réouverture de l'économie après la pandémie de COVID-19, la reprise budgétaire massive, le conflit entre la Russie et l’Ukraine et la flambée des prix de l'énergie. A côté de cela, des facteurs plutôt structurels sont susceptibles de faire leur apparition dans le temps : les changements de comportements des consommateurs qui influent sur l'offre et la demande, la transition énergétique et son impact sur les prix de l'énergie, ainsi que la relocalisation de certaines capacités de production compte tenu de la nouvelle situation géopolitique.

L’inflation a été une mauvaise surprise tout au long de l’année écoulée et a dépassé la barre des 10 % en Europe.

Les banques centrales ont longtemps pensé que l’inflation ne serait que transitoire et qu’elle résultait surtout d’un choc sur l’offre contre lequel la politique monétaire n’est pas efficace. Cependant, à mesure que l’inflation progressait et qu’elle se propageait à l’ensemble de l’économie, elles ont réagi tardivement mais agressivement. Les banquiers centraux, surtout du côté de la Réserve fédérale américaine (FED), ont prévenu qu’ils lutteront contre l’inflation même si cela doit faire mal et provoquer une récession. Il semble que ce soit malgré tout la bonne stratégie car renoncer à ce combat serait encore plus dommageable à terme. A l’heure où nous écrivons ces lignes, les banques centrales ont déjà bien resserré la vis, plus encore aux Etats-Unis qu’en Europe. Si le relèvement des taux d’intérêt n’est pas terminé et pourrait encore surprendre à la hausse, elles s’apprêtent à ralentir la cadence car l’inflation, bien qu’encore trop élevée, est en train de culminer voire de refluer. Cela est déjà le cas aux Etats-Unis où deux des trois moteurs de l’inflation, à savoir l’énergie et les biens, sont en train de bien ralentir. Vu qu’il s’agit essentiellement de marchés mondiaux, ce qui se passe outre-Atlantique devrait également se propager à l’Europe, excepté pour le gaz où le Vieux Continent reste dans une situation potentiellement vulnérable.  



Il y a donc de la lumière au bout du tunnel ?
 

Au vu de ce que l’on vient d’évoquer, l’inflation devrait logiquement commencer à se modérer. La grande crainte de ces derniers mois aurait été de voir s’installer une spirale prix-salaires, c’est-à-dire une boucle prolongée dans laquelle l’inflation accélère la hausse des salaires, laquelle renforce encore l’inflation. Il ressort d’une récente analyse du FMI que les risques en la matière sont maîtrisés. Trois facteurs se conjuguent pour maîtriser ces risques : les chocs sur l’inflation ne viennent pas du marché du travail, la baisse des salaires réels - après inflation - contribue à réduire les tensions sur les prix et les banques centrales mènent une politique agressive de resserrement de leur politique monétaire. L’année 2023 devrait donc être celle de la désinflation. Voir l’inflation être divisée par deux ne devrait pas poser de problème mais la faire converger par la suite vers l’objectif de 2 % pourrait être plus difficile.

Attention, comme la conjoncture est morose et ne va pas s’améliorer à court terme, le danger serait de voir l’économie basculer dans une lourde récession qui pourrait survenir en cas de nouveau choc géopolitique/énergétique ou en raison d’un resserrement monétaire trop restrictif/néfaste. De même, on ne peut pas exclure catégoriquement le spectre d’une stagflation si d’aventure l’inflation se montre beaucoup plus résistante que prévu. Mais, à ce stade, ni le premier ni le second cas de figure ne sont les plus probables. Notre scénario de base pour l’année qui arrive est celui d’un ralentissement économique qui se prolonge débouchant éventuellement sur une légère phase de récession mais où l’inflation recule davantage que la croissance. Cela serait de nature à améliorer tout doucement le pouvoir d’achat et, en l’absence d’une forte poussée du chômage, relancer la consommation et donc l’économie. L’espoir est que 2024 devienne alors une année relativement normale mais on n’y est pas encore.

Aux Etats-Unis, deux des trois moteurs de l’inflation, à savoir l’énergie et les biens, sont en train de bien ralentir.

Face à un ralentissement économique prononcé, quels sont les actifs susceptibles de bien performer ?
 

 

Commençons par les obligations. Le changement de paradigme est fondamental par rapport aux années passées où la faiblesse des taux d’intérêt avait largement diminué l’attractivité de cette classe d’actifs. La forte hausse des rendements associée à celle des spreads - primes de risque - permet de porter un nouveau regard sur les placements obligataires. Bien que des tensions supplémentaires sur les taux d’intérêt restent possibles, nous considérons que les obligations d’entreprises de qualité d’investissement recèlent pas mal de valeur. En outre, leurs primes de risque reflètent déjà dans une large mesure l'imminence d’une récession technique. Ce compartiment abrite les meilleurs ratings relativement immunisés contre le risque de défaut selon les données historiques, et affiche des rendements voisins de 4 %, ce qui constitue en quelque sorte le maître achat à l’heure actuelle. D’autres catégories, plus spéculatives, de titres à revenus fixes ou de créances sont plus alléchantes encore mais sont potentiellement plus volatiles. D’où des opportunités d’investissement mais de façon mesurée.

 

Qu'en est-il des actions ?

 

Nous sommes relativement neutres pour l’instant mais plus constructifs sur le long terme. Malgré la baisse des cours boursiers depuis le début de l’année, leur attrait s’est effrité parce qu’il y a, à la fois, des alternatives attrayantes de rendement et parce que le ralentissement économique couplé à une inflation toujours élevée pèse sur les marges de profit des entreprises et rogne les attentes de résultats futurs. Cela étant, la récession technique qui se profile ne va pas forcément impliquer une récession des bénéfices. Ce serait à coup sûr le cas si un atterrissage brutal de l’économie devait survenir. Cela n’est pas notre scénario de base mais il faudra surveiller toute dégradation inquiétante qui irait dans ce sens. Après le récent rebond, les valorisations ont augmenté un peu trop et trop vite.

De plus, en l’absence de soutien de la part des bénéfices des entreprises, il est probable que les actions fluctuent sans véritable tendance mais sans flancher pour autant. Nous pensons donc qu'une embellie durable ne se fera pas avant un certain temps. Pour cela, il faut davantage de preuves que les hausses de taux des banques centrales touchent à leur fin et que l'économie soit en mesure d'éviter une grave récession. C’est ce que les investisseurs vont scruter en 2023 mais tout cela dépendra encore d’une variable-clé : l’inflation ou plutôt la désinflation.

 

L’année 2023 devrait donc être celle de la désinflation.

En guise de conclusion, après une année très déstabilisante, 2023 devrait permettre de revenir à un peu plus d’équilibre…

 

D’un point de vue économique, 2022 aura été l’année de la « slowflation » - contraction entre ralentissement de la croissance et d’inflation élevée. Si 2023 sera encore caractérisée par une atonie de l’économie et une inflation toujours élevée, avec les apparences de la stagflation, la hausse des prix devrait en fait s’inscrire sur une pente descendante. Malgré la persistance de nombreuses incertitudes, la perspective prochaine d’un pic des taux d’intérêt des banques centrales devrait apporter plus de sérénité sur les marchés financiers, d’autant plus qu’il y a des opportunités à saisir pour l’instant du côté obligataire.


Olivier Colsoul en quelques mots


Depuis 25 ans, Olivier Colsoul endosse diverses fonctions liées à l’investissement : analyste en actions, gestionnaire de portefeuilles, analyste de fonds de tiers et économiste au sein de différentes institutions financières de renom. Depuis 2020, Olivier est Senior Strategist chez AG. Il élabore la stratégie globale d’investissement à court et long terme d’AG, à travers l’analyse des développements macro-économiques et l’évolution des marchés financiers.